Marc Pesnot
Rencontre avec Marc Pesnot
Lundi 25 Octobre, au détour d’un salon sur Nantes, nous avons rendez-vous avec celui que je considère comme étant le Pape des vins Nantais et qui est surtout un grand nom du vin naturel.
J’ai nommé Marc Pesnot !Premier vigneron à être sorti de l’AOC Muscadet de son plein gré car ses vins n’étaient pas conformes au style acide et austère traditionnels.
Lorsqu’on arrive au domaine de la Sénéchalière à St Julien de Concelles, on devine tout de suite que l’on est sur une terre agricole où le végétal s’exprime. Les vignes sont bien enherbées et non tirées à 4 épingles comme on peut avoir ailleurs.
On entre un peu gênés, ou plutôt déjà impressionnés, les chaussures crottées de terre. L’entrée possédant un joli bar donne presque directement sur la cuverie. Ici pas de chai ostentatoire ou de salle de dégustation bling-bling car l’essentiel n’est pas là.
Marc Pesnot nous reçoit très simplement en cote de travail un grand sourire aux lèvres.
Michael travaille avec lui depuis bientôt 8 ans maintenant, forcément ça crée des liens, ça nous fait plaisir d’échanger quelques nouvelles.
Ce qui interpelle chez ce vigneron ce sont ses yeux rieurs et son léger rictus quasi permanent.
On discute avec un homme heureux, apaisé qui sait d’où il vient et où il va. On devine, bien sûr, qu’il n’en est plus à son premier millésime.
Ses vins sont nés sur un terroir réputé pour ses vins austères et pourtant quand on goûte, on se demande si on est vraiment dans le Muscadet! Les vins sont plus ronds, sans agressivité mais avec une finale toujours bien sapide liée aux différents sols sur lequel le raisin de la Sénéchalière s’épanouit et va puiser ses minéraux.
On peut d’ailleurs lire sur les contre-étiquettes de Marc : « Ce vin est un vin sec, mais pas acide ! ». Vous êtes prévenus.
Rapidement on passe coté cuverie pour une présentation des jus en fermentation.
Je le taquine d’entrée de jeu:
« Les vignerons nous parlent de terroir à tout va, mais la vinification et le cépage ne sont-ils pas davantage responsable de l’identité d’un vin? »
Il me laisse à peine finir :
– C’est quoi pour vous un terroir au juste? (Toujours ce petit sourire, mais plus bienveillant que moqueur.)
«Un vigneron? une vigne? Un sol?» je lui répond.
– Ha les sols! Y’a quoi dans les sols? Venez…
Dans l’entrée sur une barrique, des morceaux de roches. De l’amphibolite, des gneiss, du micaschiste, du gabbro, le voilà le sol. Le voilà l’acteur principal, celui qui anime le cépage, qui lui donne la vie.
Marc Pesnot nous donne alors littéralement un cours sur le comportement du végétal ! J’apprends notamment que la vigne fait une étude de sol lorsqu’elle rencontre différents types de sous-sols. Pour développer son système racinaire, elle analyse : De quel minéral s’agit-il ? Quel est son PH. Quelle est sa densité, est-ce qu’elle est friable ? En bloc ou en feuillet? Hé oui; on oublie parfois que la vigne aussi est un être vivant!
D’où l’intérêt d’en prendre soin si l’on veut de beaux raisin sains et concentrés en arômes.
Passionnant personnage que ce Mr Pesnot que l’on écouterai bien volontiers un peu plus longtemps. Mais le devoir de caviste nous appelle et nous avons un salon qui nous attend, quel dur métier…
Impatients de savoir ce que l’on va goûter, on s’assoit autour de son petit comptoir. L’ambiance est conviviale, on se croirait presque dans sa cuisine!
On goûte sur cuve des folles blanches, des melons et des chardonnays en cour d’élevage. Les jus sont troubles et acides puisque pas finis, mais délicats et déjà prometteurs. Le pressurage est extrêmement doux et lent à la Senechalière (400 Millibars contre 2 Bars habituel) et il participe grandement à la texture toujours très fine et sans doute aussi à la micro oxydation des vins du domaine.
Le chardonnay n’est pas le cépage de prédilection de Marc Pesnot, et à la dégustation, il sort du lot par son intensité aromatique plus développée. C’est pour moi la cuvée la moins authentique, car le fruit prend trop le pas sur le minéral et on gagne en intensité ce que l’on perd en élégance. Mais au regard du niveaux des vins du domaine j’ai l’impression que le sourire en coin de Marc Pesnot nous laisse présager de belles choses avec ce cépage. A suivre donc.
– Cuvée « Folle blanche 2019 »
Une Folle blanche comme aucune autre!
Un millésime 2019 ou la tension minérale caresse l’oxydatif, c’est la plus grande folle que j’ai goûté! L’acidité est millimétrée, c’est vif et frais mais jamais mordant.
Mr Pesnot transforme un cépage réputé comme étant ultra acide en un vin charmant et presque gourmand.
Rappelons que ce vin aurait pu s’appeler «Gros plant du pays Nantais» selon l’AOC.
Un vin qui invite au sushi ou autre cuisine plutôt minimaliste. Quelle élégance!
– Cuvée « Miss Terre 2020 » (Sur Amphibolite et Micaschiste)
Un grand melon. Intéressant par sa salinité sur sol d’Amphibolite. Il prend du temps pour s’exprimer aromatiquement.
Un vin pur et délicat qui peut paraître encore un peu strict. A laisser quelques années en cave.
En revanche, sur sol de Micaschiste,le melon est transcendé ! Une petite bombe. Une énergie dingue dès l’attaque de bouche avec une sapidité cristalline et intense, pour finir en apothéose sur des arômes de coing et mirabelle. Un vin profond et complexe qui tiendra la dragée haute à tout un tas de grands bourgognes sur un beau poisson par exemple. Grosse émotion!
Je repars avec le sentiment d’avoir touché ce qu’il se fait de mieux dans le muscadet. Je n’ai pas tout vu, je n’ai pas tout goûté mais je sais que je viens de prendre une grosse claque en goûtant la cuvée Miss Terre sur micaschiste! Allez, on part en salon vous trouver d’autres pépites.
Suite au prochain épisode…